Rencontre-débat avec Frédéric Sudupé à la librairie Lacoste le 11 septembre de 10h à 17h

Auteur de Tête-à-tête avec la Dame de Brassempouy et de Lettres à Bernard Manciet, son nouvel ouvrage, Frédéric Sudupé sera présent à la Librairie Lacoste de Mont-de-Marsan le samedi 11 septembre 2021 de 10h à 17h pour une rencontre-débat.

Extrait de la rencontre : trois réponses de Frédéric Sudupé relevées par Jacqueline Nalis

 

Bernard Manciet est-il un écrivain régional ?

 

Il n'est pas pour moi un écrivain local ou régional.

« L'universel c'est le local moins les murs. »

Aucun artiste n'est hors sol, il faut bien s'inscrire dans un lieu. Dit-on de Cézanne qu'il est un peintre régional parce qu'il a peint 50 fois la Montagne Sainte Victoire ? Non. C'est la même chose pour Bernard Manciet, un poète qui s'est inspiré de sa langue maternelle pour la revisiter. Il n'a jamais fait de retour identitaire non plus, pas de repli. C'est quelqu'un qui utilise un passé qui semble à priori archaïque mais pour s'élancer de plus belle dans la modernité. Il est extrêmement moderne justement par cette façon de prendre en compte l'élément premier, l'élémentaire. C'est une aberration de le penser écrivain local.

 

Quelle est pour vous son œuvre majeure ?

 

L'enterrement à Sabres, une œuvre majeure que l'on retrouve dans la collection NRF de Gallimard, il a pu intégrer cette collection de poésie au même titre que Pasolini alors qu'ils écrivaient dans une langue dialectale, Pasolini en frioulan, BM en gascon.

Manciet s'y retrouve parmi les plus grands noms de la poésie entre Mallarmé et Marot. Ce n'est pas rien.

Il y a aussi le Roncevaux, La Blanche nef, un livre qu'il a écrit sur le tard, une splendide épopée mystique de la Gascogne.

 

 

À qui comparer Bernard Manciet ?

 

En littérature universelle, peut-être, même si c'est très différent, à Charles Péguy, dans Le Porche du mystère de la deuxième vertu, car il y a une véritable ampleur et tout un déroulement avec une économie de moyens, d'images qui pourrait évoquer la rusticité de l'œuvre de Bernard Manciet.

On pourrait penser aussi aux Cinq grandes odes de Paul Claudel pour l'ampleur, le souffle.

Et s'il est une œuvre qui me fait penser à l'œuvre de BM, on en a parlé d'ailleurs plusieurs fois du reste ensemble, ce sont des poèmes, des odes pré-islamiques les Mu'allaqât, on les appelle Les suspendus également. Ces textes d'avant la prédication du prophète, au temps du polythéisme dans la péninsule arabique, étaient présentés en lettres d'or autour de la kaaba.

Ce sont des poèmes qui décrivent l'univers des Bédouins, ils ont des tangences avec l'œuvre de Bernard Manciet, on y retrouve l'importance de la pluie, de la tribu, du désert, la dimension épique de la stérilité d'un territoire.

Les noms, les vocables également, il y a beaucoup de noms propres dans l'œuvre de BM, des toponymes d'une zone géographique très circonscrite, comme dans les Mu'allaqât.

Le combat aussi, les bédouins sont de vaillants guerriers, Manciet également. A Sabres la daune se bat, elle interpelle Dieu. Elle lui dit : pourquoi as-tu abandonné la Lande ? C'est ça le véritable enjeu, on est prêts à prendre des coups dans la Lande, recevoir des blessures, mais l'abandon c'est autre chose, Manciet évoque cet ordre de Dieu, et en disant à Dieu « tu m'as abandonné » le rapport est instauré avec le divin, on retrouve cela dans les Mu'allaqât, oeuvre splendide. En Poche.

Voilà une poésie qui peut évoquer celle de Bernard Manciet en dépit de bien des différences puisque ce sont des cultures très éloignées.

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